Un échec de plus dans ma quête de justice en Europe, mais je reste debout.
La Direction générale « Justice et Consommateurs » de la Commission européenne nous a répondu : « (…) Je suis au regret de vous informer que le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et le Traité sur l’Union européenne ne donnent à la Commission aucun pouvoir général d’intervention auprès d’un Etat membre qui s’exercerait en dehors de l’application du droit de l’Union. Or les éléments que vous soulevez m’apparaissent être sans lien direct avec la mise en œuvre du droit de l’Union en Belgique. (…) »
Cet échec d’un espoir de justice arrivait après celui de la déchéance de mon droit d’appel par la justice belge. L’espoir qu’en cassation, la France, dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen, se désolidarise de la Belgique est plus qu’improbable.
Les tentatives de séparer mes enfants en les récupérant au Mali pendant que je suis juridiquement séquestrée en Europe étaient en cours. Finalement tout le but de cette opération judiciaire, infondée dès le départ, était cette prise d’otage et ce chantage légal européen.
Je suis une mère qui protège ses enfants. Alors, j’ai fait mes bagages, je me suis dirigée vers l’aéroport, j’ai pris un avion privé tout à fait légalement. En vertu de la protection que me confère mon passeport diplomatique malien, j’ai pu quitter la France. Six heures après, j’étais à Bamako chez moi auprès de mes enfants.
Ce même passeport diplomatique doublé d’un ordre de mission me conférait une immunité diplomatique à mon arrivée en France le 10 mars 2020 lorsque j’ai été arrêtée à ma sortie d’avion en raison du mandat d’arrêt européen émis par la Belgique. J’ai tout de suite remis mon ordre de mission et mon passeport diplomatique malien aux policiers. Cette immunité diplomatique, à plusieurs étapes de la procédure jusqu’à mon emprisonnement le 11 mars, m’a été refusée. L’argument final du substitut du procureur était que l’ordre de mission signé le 6 mars 2020 à Bamako par le Ministère de la Culture malien n’avait été signalé au Quai d’Orsay qu’après mon arrestation et qu’en raison de cela la cour ne reconnaissait pas mon immunité diplomatique malienne. Il a affirmé qu’il ne suffisait pas d’écrire « diplomatique » sur un passeport pour que cela en soit un.
Je suis une mère seule en charge de deux enfants qui n’ont comme tout soutien financier et pratique quotidien que leur mère.
La Belgique par le biais de cette déchéance de mon droit d’appel a définitivement acté de sa compétence juridictionnelle concernant la garde d’un enfant de citoyenneté malienne et belge qui habite au Mali avec sa mère malienne depuis plusieurs années.
En tant que mère assumant ses responsabilités, j’ai quand même fait des aller-retours entre le Mali et la Belgique, j’ai constitué des avocats pour répondre à la justice belge.
La France, en vertu du mandat d’arrêt européen, doit coopérer avec la Belgique et ne peut aller dans le fond du dossier donc les documents attestant de la résidence et citoyenneté maliennes de l’enfant ne peuvent être pris en compte par la justice française qui m’emprisonne puis m’accorde une liberté conditionnelle me maintenant séquestrée en France pendant que la Belgique opère un chantage qui consiste à livrer ma fille contre ma liberté éventuelle.
La Belgique est un état souverain, la France est un état souverain. En cela, la Direction Justice de la Commission européenne ne peut rien faire pour moi et mes enfants.
Le Mali, notre pays, est un état souverain qui a légalement accueillie à son retour une artiste malienne avec le statut diplomatique.
Aujourd’hui je suis chez moi auprès de mes enfants, heureuse de pouvoir les accompagner enfin dans un contexte de pandémie internationale extrêmement traumatisant pour tous les enfants du monde.
Je continuerai à répondre à travers mes avocats aux systèmes de justice européens.
Rokia Traoré.